La grève des patrons du foot,
symbole d’un football buisness indécent
Réunis la semaine dernière en Assemblée Générale, les présidents de clubs ont arrêté le principe d’une grève contre la future taxe à 75% pour la 15e journée de ligue 1 et 16e journée de ligue 2.
La mesure en question prévoit de taxer les entreprises qui versent des salaires de plus d’1 million d’euros. Cette taxe ne devra etre versée pendant seulement deux ans et est plafonné à 5% du chiffre d’affaire de l’entreprise suite à un premier recul du gouvernement. Elle représente donc au total 44 millions d’euros dont près de 20 uniquement pour le seul PSG dont le budget avoisine les 400 millions d’euros. Ainsi, le PSG qui débourse 64 millions d’euros pour s’acheter Cavani, refuse de s’acquitter de la solidarité nationale.
La grève : l’arme des travailleurs, pas des patrons !
Conquête du mouvement ouvrier, le droit de grève est un droit constitutionnel acquis suite à de dures luttes syndicales, souvent sanglantes. C’est par ce droit que les travailleurs peuvent faire entendre et défendre leurs intérêts face au patronat.
C’est par ce droit de grève que les ouvriers népalais ou thailandais aimeraient protester contre l’esclavage en cours sur les chantiers de la coupe du monde 2022 au Quatar. Pourtant, nombre d’entre eux meurent sur les chantiers, sans disposer de ce droit de grève. Alors quand des nantis et des bourgeois appellent à la grève pour protéger leurs coffres fort, cela a quelque chose de révoltant et de profondément indécent !
Le football, prisonnier de la finance !
Depuis l’arrêt Bosman en 1995 et la libéralisation du marché du football, le montant total des transferts en Europe est passé de 400 000 euros à plus de 2 milliards d’euros. La vente et l’échange d’êtres humains représentant une valeur marchande est devenu un business juteux, au delà parfois du respect des contrats de travail. Plusieurs enquêtes démontrent que c’est l’un des marchés les plus dérégulés de la planète, avec une mainmise de la finance et une avancée inquiétante de la corruption et du blanchiment d’argent lié aux paris sportifs.
Aujourd’hui dévoré par l’argent roi et la mondialisation, le football professionnel voit les financiers devenir des acteurs primordiaux et investir beaucoup d’argent, avec une attente de forte rentabilité.
Alors que la majorité des Français souffre de la crise, du chômage, de la précarité, des bas salaires, comment accepter les transferts et salaires indécents offerts à quelques dizaines de privilégiés. Les récents propos de représentants de la Fédération française de football (FFF) et de la Ligue professionnelle de football (LFP) se félicitant de l’engouement des financiers, quelquefois venus d’horizons improbables, pour investir dans les équipes du championnat de France, confirment que le football est pour eux une source de profit avant d’être un moyen d’émancipation.
Que dire, en comparaison de ces chiffres, de celui du budget du ministère des sports en baisse de 9% en 2013 est dont la répartition indique clairement les choix politique de l’état. Sur les 232 millions de budget, 174 sont attribué au sport de haut niveau contre seulement 8 pour le « sport pour tous ».
Tant d’indécence ne peut laisser indifférent, surtout en temps de crise. Dans un sondage Ifop – l’Humanité du 25 octobre 2012, une écrasante majorité de Français (86 %) pensent que la place de l’argent dans le sport est trop importante et 79 % disent que le mot business correspond « bien » à l’image du sport professionnel.
Ne pas se tromper de cible
Si le désamour pour le sport buisness est flagrant, les débats que nous avons pu connaître autour de l’équipe de france de foot lors de la dernière coupe du monde montrent que médias et politiques s’entendent très bien pour détourner l’attention vers les joueurs et trouver en certaines personnalités des boucs émissaires tout trouvés. Les débats nauséabonds de l’époque montraient d’ailleurs que les idées d’extrème droite avaient trouvé des relais au delà des cercles traditionnels. Ainsi, il n’y avait pas qu’Eric Zemmour pour crier sa haine du football des métèques et des banlieues ouvrières. Les expressions ressasées dans les médias « désastre national, bus de la honte, défaite sportive et morale » montraient une surenchère verbale omniprésente pour condamner la grève des joueurs de l’équipe de france considérés comme des traîtres à la nation. En temps de crise il est plus facile de taper sur le footballeur que sur le patron ou le banquier. Les entrepreneurs de morale avaient alors clairement désignés les coupables et les traitres au cours d’une habile opération de stigmatisation raciale : la jeunesse populaire des cités, sous éduquée, inculte, arrogante, celle qui ne chante pas la marseillaise et ne représente pas assez bien la France pendant que les financiers et dirigeants du football professionnel continuaient leurs entreprises de marchandisation du sport.
Loin de soutenir des joueurs qui effectivement individuellement pensent argent et contrat pub, et pour cause, leur situation matérielle les conditionne à ça, il faut bien voir d’où viennent les discours qui enfoncent et stigmatisent facilement certaines catégories de sportifs. Ce sont les mêmes qui stigmatisent les sportifs d’origines populaires ou issu de l’immigration qui divisent la société dans les autres champs de la vie sociale pour imposer leur domination et la marchandisation du sport.
La racaille qui rend le football malade porte des costumes et n’est pas sur le terrain ! Ce n’est pas à la bande de Ribéry qu’il faut s’en prendre mais bien à la bande de Louvel. – président de l’Union des clubs de football professionnel (UNCPF)
Ce sont les financiers, les actionnaires, les patrons du football qui sont les vrai cibles à abattre.
Le Sport : un enjeu d’émancipation !
A des années lumières des valeurs du foot buisness, le football et plus largement le sport ont pourtant d’évidentes vertus éducatives permettant de découvrir des valeurs de solidarité, d’émancipation, de respect. Le poids et la pesanteur du football professionnel ainsi que ses dérives ne peuvent faire oublier, heureusement, l’engagement des milliers de bénévoles et de formateurs qui œuvrent auprès des jeunes licenciés, ni celles des associations, des groupes de supporters qui luttent contre la marchandisation du sport et la promotion d’un sport solidaire et populaire.
Ce n’est pas par hasard si aujourd’hui les puissants du monde du football se donnent tant de mal pour réprimer le mouvement ultra, jusqu’à interdire des banderoles dans le stade qui exprimerait une opposition au foot buisness. Les banderoles du Collectif SOS Ligue 2 réclamant que les matchs aient lieu à des heures décentes (suite au rachat des droits par bein sport) sont désormais interdites par Fréderic Thiriez (Président de la LFP). Un président de ligue se permet donc de bafouer la liberté d’expression des supporters et d’interdire des banderoles pacifiques faisant des supporters des français avec des sous droits. Le mouvement de résistance des ultras est un mouvement social profond et il doit être soutenu
A notre niveau, le projet social et sportif du Spartak Lillois est de promouvoir le sport solidaire et populaire. Cela se fait par une pratique ouverte à tous sans distinction financière, sociale, religieuse, ethnique, ou de niveau de jeu ainsi que par une organisation démocratique où chacun peut décider de l’orientation de l’association. Nous tentons de montrer que la rencontre sportive à d’autres enjeux que le résultat de fin de match, et que le sport peut être un vecteur d’émancipation, tant physique qu’intellectuelle.
Alors le Week end prochain, pendant que les fossoyeurs du football vont préparer leur grève pour protéger leur poule aux œufs d’or, venez soutenir le spartak à 19h terrain du mont de terre à fives.