Rencontre avec un Ultra marseillais

Dans le prolongement de notre précédent article qui évoquait les banderoles déployés par les groupes de supporters contre la marchandisation du Foot, nous avons rencontré Alex, membre d’un groupe Ultra de l’OM et militant à la Jeunesse Communiste. Il nous explique ce que représente le fait d’être ultra, sa vision du football et ses engagements pour changer le foot et la société !

olympique marseillePeux tu te présenter et présenter comment tu es arrivé dans le milieu des ultras ?

Je m’appelle Alexandre (Alex), 25 piges, j’habite à Marseille et je me suis abonné au stade en juillet 2000. Depuis je n’ai pas quitté le stade. Je suis arrivé dans le milieu Ultra petit à petit. Au début, j’allais au stade avec mon père, c’était la sortie père-fils toutes les deux semaines. Lui-même étant passionné de l’OM depuis qu’il est jeune, il a ainsi voulu me montrer ce que c’était Marseille, et surtout ce que c’était le stade Vélodrome. En grandissant, j’ai tourné à travers le Virage Patrice De Peretti avec des potes d’enfance, pour enfin me caler dans mon groupe que je suit depuis 6-7 ans.

Ultras pour toi, c’est quoi ?

Être Ultra c’est avant tout un mode de vie, un mode de pensée. C’est une passion, parce qu’être Ultra c’est suivre son équipe, son club n’importe où. Que ce soit un week-end sur 2 à la maison, ou à travers la France et l’Europe (pour ceux qui ont la chance de jouer en Coupe d’Europe). Si tu n’as pas la passion de ton équipe alors tu ne sera jamais Ultra. C’est claquer tout ton pognon dans les dep’, c’est partir au beau milieu de la nuit pour te taper 1000 bornes, dans le froid, la neige, la pluie, chanter pendant tout le match et même si ton équipe est ridicule sur le terrain, c’est jamais rien lâcher pour l’amour du maillot. C’est aussi passer des après-midis entières avant le match pour préparer l’animation de la journée. T’arrives en début d’après-midi, le match il est à 20h, tu prépares les bâches, tu mets en place le tifo… Être Ultra c’est aussi l’animation de la tribune. Tu ne peux pas te revendiquer Ultra et passer le match sur un fauteuil en insultant l’arbitre dès qu’il prend une mauvaise décision. Être Ultra c’est chanter quoiqu’il arrive pour son club, c’est même passer tout le long de la rencontre, dos au terrain pour faire chanter ta zone, parce que c’est ça le sens même de notre passion. C’est aussi une histoire de groupe et d’amitié, voir de fraternité avec les gars qui sont à tes cotés tous les week-end et qui seront toujours là pour te prêter main forte si t’as une embrouille.

Comment considères-tu l’évolution du foot actuellement ?

Haha, j’aime cette question. L’évolution du foot actuellement est le reflet parfait de la société de surconsommation et d’hyper sécurité dans laquelle nous vivons chaque jour dans ce pays. C’est-à-dire tout pour le pognon. Pour un oui pour un non, les gars des groupes se font interdire de stade. Les groupes sont tenus par les couilles. Menaces d’interdictions, d’amendes, de sanctions et surtout de dissolution. Ils aseptisent les tribunes pour coller au mode anglais, que des consommateurs qui vont au stade, qui claquent des centaines d’euros et qui achètent tout leurs produits dérivés qui bafouent souvent l’histoire des clubs.  Certes, il est vrai qu’il y a de la rivalité, et même parfois de la violence, mais c’est cette électricité, ces ambiances géniales avec des tifos, des craquages de torches qui font toute la beauté d’un match de foot. Maintenant les gens vont au match de foot, comme ils vont voir un film au cinéma. Ils achètent leurs friandises, ils prennent leur coca, et dès que ça bouge un peu ou qu’ils ne peuvent pas voir à cause d’un drapeau, ils se plaignent. Mais le stade c’est justement l’ambiance, les chants, les tifos, les étendards, les papellitos (confettis), les pogos, les tambours, les torches… C’est aller le lendemain complètement aphone en cours ou au boulot. C’est raconter des anecdotes toute la semaine avant de s’en créer d’autres le week-end suivant.

Certains biens pensants disent que les ULTRAS ne se définissent qu’en opposition à d’autres groupes et amènent le chauvinisme et la division chez les travailleurs. (Je suis supporter marseillais, je m’oppose forcément aux autres supporters même si ce sont des prolos comme moi). Que penses-tu de cette théorie ? Penses tu au contraire que les ultras peuvent favoriser la solidarité et la fraternité entre les différents groupes de supporters ? As-tu des exemples de liens fraternels tissés avec d’autres groupes ?

La vérité, c’est que les deux théories sont réelles. Et même quand tu supportes le même club, tu peux avoir des rivalités entre groupes. L’exemple le plus célèbre en France c’est le PSG où s’opposait les groupes d’Auteuil où se trouvaient les gars des cités populaires et les groupes de Boulogne où se trouvaient les milices d’extrême droite, pour schématiser, bien que tous les gars de Boulogne n’étaient pas des fachos. Il est également vrai que les rivalités en France sont telles que même si t’appartiens à la même classe sociale que celui en face de toi tu vas le détester parce qu’il supporte un club rival. Cependant, en France il existe pas mal d’amitiés entre groupes Ultras d’un club opposé. Par exemple, les Magics Fans de Saint-Étienne avec les Ultras Marine de Bordeaux. Quand à mon club, il n’existe pas d’amitiés avec des groupes en France mais il y a pas mal d’amitié avec des clubs en Europe comme par exemple la Sampdoria de Gênes (Rude Boys, Tito…), l’AEK Athènes (Original 21), Livourne (BAL 99), Rayo Valecano (Bukaneros), Sankt Pauli (Ramba Zamba), Rapid Vienne (Ultras Rapid), et encore pas mal d’autres… Ces groupes là partagent les mêmes idées d’opposition au système, ont gardé la mentalité Ultra et surtout sont ouvertement antifascistes. Ces amitiés là portées vers l’étranger amènent une fraternité et une solidarité Européenne. Dans ces temps où le pouvoir cherche à nous diviser, ces amitiés là sont bénéfiques et nous permettent de connaître les situations de plusieurs pays et de pouvoir constater que la répression se durcit à travers le monde et que seul l’union des prolétaires pourra changer le système et renverser le capitalisme. Encore faut-il que les camarades présents dans les groupes soient en capacité de porter les idées du socialisme telles que nous les défendons.

Tu parles de socialisme, d’antifascisme, quels liens fais tu entre ton engagement en tant qu’ultra et ton engagement politique ?

A quelques détails près le stade et la rue c’est la même chose, on se bat pour un idéal, un mode de vie, un mode de pensée. On se bat contre le racisme, l’exclusion sociale, on se bat pour la solidarité, pour la fraternité. Je dis souvent que la JC est ma seconde famille, les frères du stade sont ma troisième. Le stade est aussi une manière de dire nous ne rentrerons pas dans le rang. Nous ne sommes pas des moutons à la botte du capitalisme. On est contre le système. Et même si tous nos gars n’ont pas conscience de pouvoir renverser ce système, beaucoup ont conscience qu’il faut changer les choses…

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